Stéphane Tréboux
Calle 55 n° 880 e/ 12 y 13 piso 8 dept. G
(1900) La Plata
Provincia de Buenos Aires
Argentina
Il s'agit d'un appart tout neuf (un an), plutôt de bon standing. Pourtant il faut se contenter d'un unique chauffage au gaz pour chauffer la pièce principale qui sert aussi de cuisine, la chambre et la salle de bain. Comme en plus le chauffage est idéalement placé au fond de l'appart, et que tous les vitrages sont simples et sans joints, autant dire qu'il ne fait pas chaud. Vivement l'été... L'aménagement étant un peu spartiate, j'ai investi dans quelques meubles pour arranger un peu la chambre. Ca tombe bien, mon apparemment se trouve juste à côté de la calle (rue) 12, une des rues commerçantes de La Plata. On y trouve de tout : un supermarché, des magasins de vêtements, de chaussures, de draps, de meubles, d'ustensiles de cuisine, de bricolage, d'électroménager, d'informatique, des bars, des webcafés, ... et pour toutes les bourses, du plus économique au plus cher. Pour ma part j'ai opté pour un lit premier prix, c'est à dire en bois brut sans finitions un peu comme celui que j'avais en France. Avec ça j'ai pris une petite table de nuit et un bureau pour l'ordinateur. Le tout me coûte exactement 203 $AR (pesos argentins), soit un investissement non négligeable de 60 € : 15 € pour le lit, 15 € pour la table de nuit, et 30 € pour le bureau, le tout évidemment avec montage et livraison à domicile... Ikéa peut toujours courrir... Autre exemple : je vais faire mes courses à Norte, un supermarché tout ce qu'il y a de plus semblable à Champion. Un kilo de bananes coûte 2 $AR soit 0.60 €... Pourtant on ne peut pas dire que tout est abordable ici : si tous les produits de première nécessité sont disponibles à un prix défiant toute concurrence, tous les produits "de luxe", et surtout importés coûtent à peu près autant qu'en Europe voire plus. Hors le revenu mensuel moyen en Argentine est de 500 $AR soit 150 €... Pourtant il existe une clientèle pour ces marchandises : si l'Argentine compte beaucoup de personnes très pauvres, elle compte aussi beaucoup de très riches.
Changement de sujet. Samedi je prends un taxi pour aller à l'université et en discutant avec le chauffeur j'apprends qu'un match de football (fútbol en espagnol) se dispute ce soir à La Plata. L'équipe "Estudiante" joue contre "Independante". "Estudiante" est l'équipe de foot des étudiants de l'UNLP - Universidad Nacional de La Plata - et une des trois (!) équipes de foot de La Plata. "Independante" est une équipe de la province de Buenos Aires. "Estudiante" a déjà gagné 3 fois le championnat national et est en passe de le gagner de nouveau, et évidemment cela attire beaucoup de monde. Le match est prévu pour 21h et la vente des billets commence à 17h, aux caisses qui se trouvent devant le stade de l'équipe "Estudiante", près de l'université. Quand je passe devant les caisses à 16h il y a déjà une queue de plusieurs centaines de mètres - en fait la longueur d'une "cuadra", c'est à dire d'un des îlots de maisons découpés par les 31 rues horizontales et 31 rues verticales qui forment l'échiquier qu'est La Plata. Les "fanáticos" attendent patiemment pendant plus d'une heure l'ouverture des caisses pendant que s'installent des stands improvisés pour vendre des sandwichs, des écharpes et des maillots de foot rouges et blancs, les couleurs du Club "Estudiante". De temps à autre passent en voiture des supporters de "Gymnasia" - un des deux autres clubs de La Plata et le plus vieux d'Argentine, voire d'Amérique du sud - en arborant des drapeaux blancs et bleus et soudain les pères de famille rangés, les retraités placides et les étudiantes BCBG qui attendent dans la file se mettent à hurler "¡hijo de puta!", "¡una puta te nació!" ou "¡puto!"... je vous laisse le soin de traduire. J'arrive un peu en retard vers 20h20 pour entrer dans les tribunes. Là les "fanáticos" agitent leurs drapeaux et sautent en chantant "dale léon" – "donne leur du lion" (le lion est la mascotte de "Estudiante"). Tout le monde se met à sauter et hurler quand les joueurs entrent sur le terrain. Je fais connaissance avec Juan, un père de famille venu avec ses deux fils Franco et Juan Pedro, et son frère Pablo. Il m'expliquent que les enfants adorent les matchs de foot parce qu'ils peuvent hurler tous les gros mots - "palabras malas" - qu'ils veulent - contrairement à la maison. En effet le stade semble être un défouloir, un genre de thérapie de groupe. C'est assez amusant. Après un match serré le score est de 2 à 2 et les supporters de "Estudiante" sont un peu déçus - apparemment les chances de gagner le championnat sont faibles maintenant. Enfin bon on verra bien, le prochain match est dans deux semaines.
Dimanche je suis allé faire un tour avec Juan, sa femme, son fils Juan Pedro, et sa fille Isabela qui a tout juste un an. Il m'emmène au bord du Río de La Plata, qui sépare l'Argentine de l'Uruguay. C'est le fleuve le plus large du monde - "el río el más ancho del mondo" - avec une largeur de l'ordre d'une dizaine de kilomètres. En fait on ne peut pas voir l'Uruguay sur l'autre rive depuis l'Argentine, il n'y a que de l'eau à perte de vue. La balade se poursuit avec la visite de la "Ciudad de los niños" - "La ville des enfants". Il s'agit d'un genre de parc d'attractions public construit à l'époque de Perón qui reproduit toute une ville avec palais présidentiel, gare, banque etc... à la taille des enfants. Un buste d'Eva Perón trône au milieu des constructions mais le sujet a tendance à énerver les Argentins. Le parc est moins soigné depuis que l'argent fait défaut, mais il reste encore très attrayant. En rentrant nous sommes passé chez la mère de Juan. Elle a émigré en Argentine entre les deux guerres et vient de Florence, en Italie. Avant de partir nous buvons ensemble un maté : on verse de l'eau chaude dans un petit bol rempli d'herbes - le maté - et on le boit par une pipette percée de petits trous à l'extrémité pour ne pas laisser passer les herbes. Le goût est fort, comme celui d'un thé qui a trainé et infusé plusieurs heures. Le maté est réputé pour ses vertus fortifiantes, il fait un peu le même effet que le café. Il est de coutume de boire le maté entre amis en Argentine : chacun vide le bol et le passe au suivant après avoir re-rempli le bol avec de l'eau bouillante.
J'ai aussi eu l'occasion de me promener dans les rues de La Plata ces derniers jours. Quand je suis arrivé il pleuvait, ce qui n'arrangeait rien au côté délabré de certaines rues : le goudron est très cabossé et l'eau s'accumule dans de grandes flaques terreuses qui donnent aux voitures cet aspect de voitures de rallye avec de la boue jusqu'aux vitres. Le trottoirs sont tous recouverts de pavés mais beaucoup manquent ou sont soulevés, parfois par les racines des arbres. De nombreux chiens, de petite taille, se baladent dans la rue. Il ne sont jamais agressifs. Parfois on peut aussi croiser quelques chats. Les types de voiture qu'ont voit dans la rue sont très disparates : on peut voir une Mercedes Classe S (celle de Diana) croiser une charrette tirée par un cheval... En fait à cause de l'inflation les voitures importées sont très chères donc quelques marques comme Peugeot, Renault, Volkswagen, Ford... fabriquent des modèles sur place. Ainsi si on peut voir des Mercedes Classe C et S, BMW série 3 E30, VW Passat et Golf, Peugeot 406 et 307, Citroën C3 importées, le reste de ce qui roule en Argentine ne ressemble pas beaucoup à ce que l'ont voit en Europe. Les taxis, noirs en bas et blanc en haut à La Plata sont surtout des Peugeot 504 (construites jusqu'en 2002), et aussi des Renault 9 et 19 ou des Fiat. On voit beaucoup de Renault 9, 11, 12, 18, 19 et Clio, de Peugeot 404, 504, 405, 505, 206, de Citroën 2CV, de Ford Escort, Taurus, Falcon, de VW Gol (une copie moins chère de la Golf, vendue aussi en Chine), de Fiat 600, de Dacia clones de Renault 12, d'Opel Corsa rebadgées Chevrolet, quelques Lada, quelques vieilles Dodge, et même des Plymouth GTX. Beaucoup de voitures sont dans un sale état : phare ou aile manquants, portes enfoncées etc... Ceci s'explique en partie par la règle de conduite appliquée ici par les Argentins aux nombreux carrefours sans feux : "pasa al primero el que pasa al primero" - celui qui passe en premier, c'est celui qui passe en premier. On voit aussi beaucoup de cars dans les rues - "collectivos" ou "micros" - qui permettent de se déplacer rapidement sans dépenser trop. A part le centre de la ville, la plupart des immeubles sont relativement bas ; toute la partie sud de la ville est composée de maisons à trois étages collées les unes aux autres où vivent les habitants les plus fortunés, protégés par des barreaux en fer forgé ; la partie nord est moins riche et plus délabrée mais aussi moins morte. Tout au nord se trouve l'université et un grand parc avec un zoo. Au centre de la ville sont répartis sur un axe nord-sud les bâtiments officiels - La Plata est la capitale de la province de Buenos Aires, un genre de préfecture - et au centre se trouve la Plaza Moreno, avec la cathédrale récemment terminée, tout près de mon appartement.